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Retail : “Le magasin physique ne remplit plus une simple fonction transactionnelle”

Quentin Obadia et Rémi Le Druillenec, co-fondateurs de l’agence de design retail Heroïne, viennent de publier le livre “Le magasin est-il mort?” et reviennent sur la nécessité pour les marques de renouveler leur modèle. Interview.

Vous venez de publier un livre au titre provocateur. Pourquoi ?

Quentin Obadia : “Le magasin est-il mort?” c’est tout simplement la question que l’on s’est posée quand nous avons lancé notre agence Heroïne. Car c’était la réaction de notre entourage et des proches qui sont dans le métier. Ils ont trouvé fou de lancer une agence de design retail par les temps qui courent. Et ils nous conseillaient de nous focaliser sur le digital, qui leur paraissait être l’avenir. C’est LA question qui est donc à la genèse de notre agence.

Et selon vous, est-ce la fin du magasin physique ?

Quentin Obadia : C’est justement pour montrer pourquoi le magasin n’est pas mort et quelles mutations il doit subir que nous avons écrit ce livre.

Rémi Le Druillenec : La réponse à cette question est double. Oui, parce que c’est la fin d’un modèle et que le magasin tel que nous le connaissions avant la Covid-19 n’a plus vocation à perdurer. Et non, parce que nous pensons qu’il va pouvoir se transformer et endosser de nouvelles fonctions dans le parcours client et qu’il a donc toute sa raison d’être, principalement dans la relation que les marques doivent entretenir avec leurs clients.

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Vous parlez de mutations. À quoi pensez-vous exactement et la crise de la Covid-19 a-t-elle amplifié les choses ?

Quentin Obadia : S’il y a une mutation principale à retenir c’est le fait que le magasin ne va plus simplement remplir la fonction transactionnelle. Il doit en revanche endosser une fonction relationnelle. C’est le magasin physique qui fait le lien entre la marque et les visiteurs/futurs clients de la marque. C’est donc crucial de penser le magasin, non pas comme un endroit où on a des étagères où l’on met des produits, mais comme un endroit où il y a des gens qui se rencontrent.

Rémi Le Druillenec : La Covid-19 n’a fait qu’amplifier ce phénomène de mutation. Car on s’est rendu compte, de manière mondiale pendant le premier confinement, que l’on pouvait vendre même lorsque les magasins étaient fermés. Et je pense que même les générations très attachées au magasin physique ont été obligées de se tourner vers le digital. Les marques qui refusaient encore de voir cette mutation inévitable ont été contraintes de réaliser que l’on a plus besoin du magasin pour vendre. La question qui se pose est donc à quoi va pouvoir servir le magasin.

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Dans votre livre, vous parlez de la notion de Return on experience, le ROX. Qu’est-ce que c’est concrètement ?

Quentin Obadia : Le ROX vient de l’idée que l’on s’est rendu compte, qu’il y a au moins une personne sur trois qui quitte une marque après une mauvaise expérience. Autre constat : cela coûte entre 5 et 25 fois plus cher d’aller chercher un nouveau client que de garder un client fidèle. Pour toutes ces raisons-là, on s’est dit qu’il est préférable de faire en sorte de fidéliser ses consommateurs. Et cela passe bien évidemment par une expérience en boutique.

Rémi Le Druillenec : On a constaté que les indicateurs de performances utilisés de manière habituelle dans le retail, et particulièrement le ROI qui est notamment calculé selon le CA réalisé par mètre carré, le trafic en magasin ou encore le panier moyen, était aujourd’hui un indicateur dépassé. Surtout quand on considère que la fonction transactionnelle n’est pas la seule et unique fonction du magasin. Donc, de fait, si les fonctions du magasin sont amenées à évoluer, il faut s’interroger sur quels sont les indicateurs de performance qui vont pouvoir permettre de piloter son magasin. Et l’expérience client est pour nous un aspect central.

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Et, selon vous, qu’est-ce qui fait une bonne expérience client ?

Quentin Obadia : Nous avons développé cinq piliers que nous considérons comme nécessaires dans la conception d’une bonne expérience client : l’immersion, le partage, le service, la preuve et l’usage. Pour donner un exemple, l’immersion c’est tout ce qui rejoint l’ADN de marque et qui va faire en sorte que l’on reconnaisse la marque. Autre exemple : l’usage, qui est pour nous très important, c’est le fait de proposer des parcours adaptés à ceux qui visitent la boutique. Cela part donc du postulat qu’une boutique à Shanghai ne sera pas la même qu’à Paris. Les boutiques doivent absolument avoir des ressorts différents car les consommateurs qui se déplacent sont différents et n’ont pas les mêmes attentes d’un territoire à l’autre.

Rémi Le Druillenec : La bonne expérience client c’est le delta qui existe entre l’expérience anticipée par le client, ce à quoi je m’attends en venant en magasin, et l’expérience délivrée. Cette différence va permettre de dire si l’expérience est bonne ou mauvaise. Et tout le propos est de se dire que tant que l’on ne connaît pas les raisons, les motivations et les attentes des clients avant de venir en magasin, on ne sera pas capable de délivrer une expérience de qualité. Et même si l’enseigne ou la marque déploie des dispositifs incroyables ou des écrans digitaux en boutique, si cela n’est pas connecté à ce que le client a en tête avant de se déplacer, il y a de grandes chances qu’il en ressorte déçu et qu’il ait ce sentiment d’avoir vécu une mauvaise expérience client.

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Vous disiez que les magasins ne doivent pas se ressembler. Comment faire en sorte de s’adapter aux attentes locales sans dénaturer le concept ?

Quentin Obadia : L’une des étapes de travail chez nous est de créer ce que l’on appelle des dispositifs de l’expérience, qui répondent à l’attente des pluralités des consommateurs de la marque. Nous adaptons donc ces dispositifs en fonction des marchés. On sait, par exemple, qu’il y a des marchés où la marque est moins connue et où il y aura une nécessité de mieux faire comprendre son univers et donc l’immersion sera le pilier mis en avant. D’autres marques auront une bonne notoriété sur tous les marchés, mais la nécessité sera d’expliquer pourquoi elle utilise tel ou tel produit, parfois controversé. La preuve sera donc le pilier le plus important à activer. Penser des dispositifs en majeur et en mineur est une manière d’adapter les concepts sans pour autant tout révolutionner. Concrètement, le même ADN de marque sera activé différemment selon le marché.

Quelle place des réseaux sociaux dans tout ça ? Est-ce un passage obligé ?

Quentin Obadia : Tout dépend de votre cible. Même si maintenant cela ne veut plus vraiment dire grand-chose. Le point important c’est que le réseau social fait exister la boutique en dehors de l’instant de la visite. C’est très intéressant et cela impacte la manière dont il faudra concevoir les magasins de demain. Il faudra avoir une réflexion globale : avant, pendant et après la visite du consommateur. Les réseaux sociaux permettent cela.

Rémi Le Druillenec : Le réseau social permet de s’adresser aux générations les plus jeunes, qui ne considèrent plus suffisant de seulement vendre un produit ou un service pour venir en magasin. Clairement, cela ne suffit plus et ne crée pas de la préférence de marque. Donc pour capter ces nouveaux clients, il va falloir leur proposer plus et leur faire vivre autre chose que la simple fonction transactionnelle.

Papier réalisé avec Nicolas Monier.

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