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Nicolas Bouzou : “Nous sommes aujourd’hui tous dans le même bateau !”

À l’occasion de la journée organisée le mardi 17 mai 2022 par la Fédération du commerce associé (FCA), l’économiste Nicolas Bouzou est revenu sur l’épineuse question du pouvoir d’achat à l’heure où l’inflation galopante, couplée à une croissance en berne, grippe l’économie nationale. Pour cet expert, la voie empruntée par la France, pour contrecarrer les tensions actuelles, reste la bonne.

Comment percevez-vous la situation économique actuelle ?

Nous nous inscrivons résolument dans un contexte d’inflation. Les augmentations des prix généreront des hausses de salaires qui généreront, elles, d’autres hausses de prix. C’est cela qui va marquer notre environnement. Pour les commerçants, ce sera très différent de ce que l’on a connu ces quinze à vingt dernières années. En parallèle, ce que l’on constate, c’est que cette inflation génère des tensions sociales sans doute plus fortes que cela n’était le cas il y a vingt ou trente ans. Le corps social est très fatigué. Il y a beaucoup de frustrations de part et d’autre. Pourtant, paradoxalement, les prix qui augmentent accroîtront la concurrence et la volonté pour les enseignes d’aller vers des prix plus compétitifs et donc plus bas.

Quid des difficultés d’approvisionnement actuelles ?

Nous avons aujourd’hui deux chocs qui génèrent des problèmes logistiques. Tout d’abord, le choc Covid-19 qui n’est pas du tout terminé. Je rappelle à ce sujet que la situation sanitaire et logistique en Chine, qui reste encore l’atelier du monde, demeure très problématique. La Chine, c’est 1,4 milliard d’habitants, une politique encore de zéro Covid. La situation actuelle, pour plusieurs raisons, est similaire à la nôtre il y a un peu plus de deux ans. Regardez le confinement à Shanghai, ville de 25 millions d’habitants. Avec beaucoup de logements collectifs. Lorsqu’il y a un cas dans l’immeuble, ce dernier est scellé. Les portes sont fermées par le gouvernement de Shanghai. Je dis cela pour mes amis libéraux qui pensaient, lors des différents confinements en France, que nous étions rentrés dans une dictature sanitaire. On ne voit pas encore comment ils vont en sortir. Et ensuite bien évidemment, la guerre en Ukraine qui, pour des raisons différentes, génère néanmoins le même genre de conséquences. Je pense que ces difficultés logistiques vont durer dans le temps.

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Quelle est, dans ce contexte tendu, la marge de manœuvre d’Emmanuel Macron ?

Parmi les décisions immédiates à prendre, il faut tout d’abord aider les gens. Et ce à très court terme, vraiment. Cela peut être fait sous la forme de chèques d’alimentation. Ce serait assez intéressant [ndlr, une aide inflation sera finalement versée dès la rentrée directement sur le compte en banque]. Il est impératif d’aider ceux qui en ont le plus besoin à passer cette période très difficile. Je suis favorable à des politiques ciblées plutôt que des baisses de TVA, ou ce genre de choses. Mais au fond, ce n’est pas cela qui va arrêter les anticipations sur les hausses de prix et sur la nécessaire hausse des salaires. Je pense que l’on est dans une situation de boucle prix-salaire avec une inflation qui sera de 4 à 6 % par an pendant assez longtemps. Ensuite, plutôt que de travailler sur la question des prix, je pense qu’il faut laisser faire les acteurs privés dans ce domaine. Je ne suis pas sûr que le gouvernement soit le mieux à même de travailler là-dessus. Je crois plutôt que la vraie question à se poser est celle du pouvoir d’achat : comment le redynamiser, mais de manière durable, bien au-delà des aides qui interviendront cet été ?

Quelles seraient justement les solutions dans ce domaine ?

Redonner du pouvoir d’achat durablement, c’est former les gens, c’est permettre aux entreprises d’investir, c’est réaliser des gains de productivité. Voilà ce qui nous manque aujourd’hui en France.

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Mais cette crise est aujourd’hui mondiale. N’est-ce pas votre avis ?

Oui, complètement ! Nous sommes tous dans le même bateau. Ce que l’on observe au niveau mondial, c’est que la demande est supérieure à l’offre. Donc, nous retrouvons les mêmes tensions sur les prix ainsi que sur les salaires. De même, il y a également une crise des recrutements absolument partout et d’importants problèmes logistiques. Nous subissons encore également, comme je vous le disais au début de cet entretien, les effets de la Covid en Chine. Et regardez la montée des prix des hydrocarbures en raison de la guerre. Cette hausse est partout !

Sans aucune nuance entre les Etats ?

Le phénomène est planétaire avec des pays certes plus touchés que d’autres et dont on ne parle pas du tout en ce moment. Par exemple, la situation des pays émergents est bien plus inquiétante que celle des pays développés. Avec pour ces derniers, et c’est aujourd’hui nouveau, de fortes tensions sociales générées par cette inflation.

Pourtant, jamais les enseignes n’ont été autant confrontées aux difficultés de recrutement !

Cela participe en fait de l’inflation car cela va conduire à l’augmentation des salaires. Mais le commerce n’est pas le seul touché. Aujourd’hui, il y a partout des difficultés de recrutements. C’est le cas par exemple des chauffeurs routiers : il est impossible actuellement de pourvoir tous les postes disponibles. Qui plus est, cette difficulté est aujourd’hui mondiale et pas seulement française. Mais je persiste, c’est un élément qui fera monter les salaires. Ce sera donc une aide en matière de pouvoir d’achat. Lorsque l’on dit que le plein emploi est le principal vecteur du pouvoir d’achat, c’est vrai. Il est possible que l’on y aille. La direction que prend la France est aujourd’hui, il me semble, la bonne.

Propos recueillis par Valentine Puaux et Nicolas Monier.

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